02 abril 2012

Le jardin du ginkgo célibataire



Il était tranquille sur le banc du jardin. Il avait été un hiver particulièrement doux. Le soleil, les cris d'enfants qui crapahutaient à coté de leurs mères, lui chauffaient l'âme.
  
Jadis, gosse, le jardin était près de chez lui, c'était naturel y venir accompagné par la famille, plus tard par des copains de classe. C'est vrai que l'espace n'avait pas de caractère, il n'avait pas non plus de tranquillité. C'était un mouvement dingue autour du petit lac où se baignaient trois couples de canards maussades. Dans son temps, ça se passait autrement, il y avait moins de transports dans la ville, les gens y allaient à pied. 

Mais l'homme y venait, parfois, quand la  météorologie ne  lui empêchait pas de le faire. Il traversait les vieux quartiers de la ville pour s'y rendre, il observait les changements des gens et des immeubles. Il avait une attirance, un penchant pour ce lieu. C'était comme dans le présent il existait encore, en partie, son passé. 

Maintenant il y avait le temps pour lui. Des jours il tournait deux ou trois fois jusqu'à trouver la place idéale, sans soleil et, surtout, sans voisins. Il n'aimait pas se confier à des inconnus, il aimait pouvoir s'oublier sur les pages du bouquin qu'il sortait de sa poche. S'il portait son histoire il la portait pour lui et avec lui, ce n'était pas partageable. 

À l'occasion, ses yeux quittaient le livre. Son regard partait vers le séquoia qui vieillissait mal ou vers le ginkgo célibataire qui se trouvait presque sur l'arrêt de bus. Le livre restait ouvert. Là, il se fabriquait, comme presque dans un  songe, l'histoire. Pendant des semaines, petit à petit, (situation à situation), il construisait, un petit bout à chaque fois, l'histoire qu'il allait raconter a ses petits-enfants, soit à Noël, soit à Pacques chez son fils.

On ne saura jamais si c'était la lumière, si le vent, mais jamais à la même heure il abandonnait son assise. Sans doute, aussi, il allait grignoter quelque chose quelque part. Il partait avec quelques rayons de lumière du coté gauche. 

Sans doute personne ne l’attendait chez lui. 


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Conçu et élaboré pas loin du jardin du Carregal à Porto, le 14 mars 2012.